The Wild Woman
« Elle tressaille, se cambre, court, danse, hurle avec le vent dans les arbres. Elle est pleine d’énergie et fait vibrer son corps et son âme au son des ruisseaux. Elle semble si libre et porteuse de vie que rien ne pourrait la heurter, même pas un mur. Cette femme n’existe pas encore, elle est en train de naître mais l’initiation qui l’accouchera est longue et fatigante… »
The Wild Woman
L’histoire de ce court métrage est l’histoire d’une femme, d’un mur et d’une solitude entre réalité et métaphore.
Scénario, écriture : Claudie Gatineau
Réalisateur : Fabien Drouet
Composition musicale : Loup Barrow
Il m’importait de travailler sur cette dualité intime dans l’inconscient féminin entre la femme instinctive, puissante et sauvage et la femme qui se perd et s’enferme dans des tâches qu’on lui a assignées. Si le thème renvoie aux contes et aux mythes universels de La Loba, de Barbe Bleue et de la petite marchande d’allumette, le film permet d’offrir une lecture à l’envers et donc une autre traduction de l’histoire.
En effet, et si cette femme réelle pétrie d’inhibitions était une femme projetée et griffonnée dans un décor de bande dessinée tandis que la femme sauvage était incarnée dans le corps filmé d’une femme? Et si la quête de cette femme vers une nouvelle vitalité, la recherche d’un salut était traduite dans un univers entre deux, un univers de crise et de confrontation avec elle-même où le fantastique s’invite dans la banalité du quotidien ?
Une femme, trois corps…
Il y a plusieurs lectures, plusieurs corps mais une seule femme. Il y a la Femme de la forêt dans sa nature sauvage et instinctive et qui existe grâce au regard cinématographique. Il y a une autre facette de cette femme qui doit se dévêtir de ses apparences, de son confort et des conventions inculquées et qui est figée dans le dessin de cases de bande dessinée. Et puis, il y a cette femme qui vit entre ces deux mondes et qui nait du conflit intérieur entre les deux premières. Elle est bien vivante mais existe dans un décor de bande dessinée avec lequel elle doit composer.
C’est cette dernière qui m’intéresse. Elle tente de traverser les parois réfléchissantes et de rentrer en contact avec le vide, son vide intérieur. Elle appartient au monde intra-iconographique et y trouve un équilibre entre sécurité et liberté, entre corps et âme et entre terre et poussières.
Entre la forêt et le quotidien, deux territoires, mais un seul traitement pictural en noir et blanc
La forêt est un territoire débridé, fantastique et originel. Les mouvements sont omniprésents et animés par une énergie débordante qui s’exprime dans une création animée et numérique. Il m’intéressait de travailler en plan serré avec le Chef opérateur Fabien Drouet. Sa manière de filmer accentue l’effet de crise et d’angoisse grâce à la vitesse et aux jeux d’ombre et de lumière.
Le temps d’un film…
Une des idées directrices de ce court-métrage est d’explorer différentes formes de représentation du temps dans la narration. Cela se traduit par l’emploi de ralentis extrêmes, et de brefs moments de pause, intégrés à des scènes à vitesse normale. Chacun de ces moments de pause sera perçu par le spectateur comme un instant où le temps est suspendu, un cliché photographique lors d’un film, un bref instant d’immobilité au milieu d’une chorégraphie dynamique et ponctuée par la composition musicale de Loup Barrow. Le traitement visuel apporté à ces « clichés » sera facilement identifiable par le spectateur. Ils ponctueront le film comme un fil rouge. Certains feront l’objet d’un traitement particulier : rotoscopie, pixilation, intégration de ralentis.
Le plan séquence de la chorégraphie sera truffé d’insertions de flashs avec un décor de bande dessinée. Une fois, ces séquences achevées, certains clichés repasseront à l’écran dans autre ordre pour en dévoiler une nouvelle signification. Les mouvements et postures de la danseuse prendront un sens totalement nouveau lorsqu’ils seront intégrés au décor rajouté par le dessinateur.
L’aller-retour entre la vidéo et le dessin et le détournement et la fusion des conventions de ces deux arts narratifs permet au mobile de devenir immobile, et vice versa. Le spectateur découvrira en fin de film, par un zoom arrière, que l’ensemble des clichés assemblés constitue une planche de BD.
L’histoire révélée par la BD entrainera un changement d’univers. De l’univers minimaliste et abstrait de la chorégraphie, la danseuse deviendra ainsi une femme dans son quotidien. Une troisième lecture amènera le lecteur à découvrir que ces scènes fantastiques n’existaient que dans son imagination et ce à quoi elle aspire se retrouve dans l’entre deux…Une case vierge, blanche, sans contrainte dans laquelle elle se perd avec bonheur et apaisement. Seules les notes du cristal l’accompagnent…